
Com. 4 février 2014, pourvoi n° 12-14466,
La société Mode Concept International (le mandant) avait conclu avec la société MNS & CO (l’agent) un contrat d’agent commercial. Le contrat prévoyait qu'en rémunération de son activité d'agent commercial, l’agent percevrait une commission de 11 % du montant de la facturation des produits. Par un avenant conclu le 23 novembre 2006, il fut prévu que l’agent percevrait un supplément de commission de 1% sur l'ensemble de son chiffre d'affaires à compter de la saison printemps/été 2007. Mais, par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 avril 2007 signée par tous les agents commerciaux et donc par l’agent en question, il était indiqué que le taux fixé au contrat du 25 février 2006 et celui de son avenant du 23 novembre 2006 l'avaient été pour apporter une aide dans le financement des collections, et que les signataires acceptaient une diminution du taux de commission de 12 à 10 % avec en contrepartie un engagement par le mandant d'appliquer des tarifs identiques à ceux pratiqués dans d'autres pays. Par courrier du 27 mai 2007, l’agent indiquait qu'il refusait les stipulations imposées unilatéralement par le mandant, puis par lettre du 11 juin 2007 demandait qu'il soit mis fin au contrat. Le 26 juin 2007 le mandant prenait acte de la démission de l’agent. Le 22 octobre 2007, ce dernier répondait qu'il n'avait pas démissionné et que le contrat avait été rompu unilatéralement par le mandant.
Par acte du 22 juin 2009, la mandant a fait assigner l’agent, aux fins notamment d’obtenir paiement de la somme de 20.141,31 euros au titre du non-respect du délai de préavis de rupture de deux mois (art. L. 134-11 C. com.). Quant à l’agent, il a présenté une demande reconventionnelle par laquelle il sollicitait la somme de 18.479 euros pour "rupture abusive" de son contrat d'agent commercial. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence retient certes que la rupture est imputable au mandant, aux motifs suivants : « par courrier du 23 avril 2007 les modalités de rémunération de l'agent commercial ont fait l'objet d'une modification puisque le taux de commission a été ramené de 12 à 10 %, [le mandant] s'engageant en contrepartie à appliquer les tarifs fixés dans d'autres pays et à prendre en charge ses collections. Il apparaît que [le mandant] a procédé unilatéralement à une modification du contrat et de l'avenant signé avec [l’agent], et que le mandant n'apporte nullement la preuve que les compensations proposées étaient suffisantes pour permettre le maintien de l'équilibre contractuel. En conséquence il convient de considérer que la rupture du contrat est imputable [au mandant] par application de l'article L. 134-13 du Code de commerce ». Pour autant, la Cour d’appel a estimé que l’agent n’a pas démontré de faute grave du mandant dans la rupture du contrat, pouvant le priver de l'indemnité de préavis auquel il pouvait prétendre, en conséquence de quoi l’indemnité réclamée lui est due. Par ailleurs, la Cour d’appel a fait application de l'article L. 134-12 C. com., qui prévoit que l'agent commercial est fondé à obtenir une indemnité compensatrice de réparation en cas de rupture de ses relations, pourvu que cette demande soit formée dans le délai d'un an à compter de la cessation du contrat. Prenant acte de ce que le contrat d'agent commercial avait cessé le 11 juin 2007 et que ce n'est que dans ses écritures du 5 octobre 2009 prises devant le tribunal de commerce de Fréjus que l’agent avait sollicité une indemnité compensatrice, la Cour d’appel a déclaré irrecevable la demande de l’agent.
Devant la Cour de cassation, le mandant reprochait à la Cour d’appel de lui avoir imputé la rupture du contrat d’agent commercial, tous les agents, en ce compris l’agent de la cause, ayant accepté la modification du contrat dans un courrier qui aurait été dénaturé. La Cour de cassation rejette le moyen qu’elle estime reposer : « sur l'affirmation inexacte selon laquelle [l’agent] a donné son accord sans condition ni réserve à la proposition [du mandant] ». En contrepoint, l’agent obtient la cassation, sur deux points. En premier lieu, la Cour d’appel, en octroyant une indemnité de préavis au mandant qui, s’il était à l’origine de la rupture, n’avait pas commis de faute grave, a violé l’article L. 134-11 du Code de commerce : de fait, « il ne peut être alloué une indemnité de préavis au mandant auquel est imputée la rupture du contrat d'agent commercial, quand bien même il n'aurait commis aucune faute grave ». En second lieu, la Cour d’appel, en déclarant, sur le fondement de l’article L. 314-12 du Code de commerce, déchu l’agent de son indemnité de clientèle pour ne pas l’avoir exercé dans le délai d’un an alors que, dans ses conclusions, l’agent demandait des dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la rupture abusive du contrat, la cour d'appel a modifié les termes du litige et violé l’article 4 du Code de procédure civile.
On sait qu'en cas de rupture d’un contrat d’agent commercial à durée indéterminée, tant l’agent que le mandant peuvent prétendre à une indemnité de préavis (art. L. 134-11 C. com.). En revanche, et que le contrat soit conclu pour une durée déterminée ou non, seul l’agent peut prétendre à une indemnité de fin de contrat (art. L. 134-12 C. com.). En l’espèce, l’agent réclamait une indemnité pour « rupture abusive » du contrat d’agent commercial, suivant les constatations opérées par la Cour d’appel. Celle-ci avait implicitement considéré qu’il s’agissait d’une demande de fin de contrat et appliqué le délai d’un an pour que la demande soit formée (art. L. 134-12 al. 2 C. com), délai qui ne s’applique pas à l’indemnité de préavis. La Cour de cassation, à l’invite du pourvoi formé par l’agent, estime au contraire qu’il s’agissait d’une demande d’indemnité pour non-respect du préavis qui avait été formée.
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