Le collectionneur a souvent une double casquette: il est à la fois mécène et investisseur. Mécène parce qu’il soutient l’artiste vivant lorsqu’il achète ses œuvres, mais également investisseur car il espère ne pas s’être trompé et que son achat pourra peut-être en cas de revente lui permettre de réaliser un bénéfice.
Allant plus loin, il n’est pas rare que l’art soit réduit au statut de produit financier, voire même présenté comme une valeur refuge. L’investisseur va alors se voir proposer des «blue chip», c’est-à-dire des artistes décédés ou vivant dont la côte est établie sur le marché.
Mais que se passe-t-il s’il s’avère que l’œuvre d’art présentée comme une valeur refuge n’est pas authentique? Cette hypothèse n’est malheureusement pas d’école en raison des nombreux faux qui inondent le marché de l’art.
La Cour de cassation a rendu un arrêt particulièrement intéressant concernant le droit du marché de l'art le 22 mars 2012. Selon la Haute juridiction, la remise d’œuvres d’art par leur auteur à un galiériste en vue de leur commercialisation établit la détention précaire de celles-ci. Sauf interversion de titre, les héritiers de ce dernier ne peuvent en acquérir la propriété par la possession. Les héritiers d’un artiste peintre renommé avaient intenté une action en revendication de la propriété de quatorze œuvres à l’encontre des héritiers du galiériste qui avait reçu mandat de les vendre par leur auteur. Devant les juges du fond, ces derniers avaient tenté de faire échec à cette demande en invoquant la possession de ces œuvres ainsi que l’effet acquisitif qu’elle emportait, mais cette argumentation ne s’était pas révélée convaincante. La cour d’appel de Paris avait en effet considéré qu’il ressortait des éléments de preuve souverainement appréciés que les œuvres avaient été seulement prêtées à la galerie en vue de leurs commercialisations. Elle en avait alors déduit que la possession de ces dernières était manifestement précaire, de sorte qu’en l’absence d’interversion de titre, les héritiers du possesseur ne pouvaient arguer d’un quelconque effet acquisitif de la possession. En conséquence, la cour d’appel les avait condamnés à remettre aux héritiers de l’artiste sept de ces œuvres, estimant que pour quatre d’entre elles la preuve de la détention n’était pas rapportée. Elle avait en outre ordonné la réouverture des débats pour les trois dernières. Ces derniers avaient alors saisi la Cour de cassation en arguant notamment qu’en vertu de l’article 2276 du code civil, qui édicte une présomption de propriété en faveur du possesseur, c’est aux demandeurs de l’action en revendication qu’il revenait la charge de prouver la précarité de la détention. Par le présent arrêt, la Cour de cassation rejette le pourvoi ainsi formé et valide le raisonnement des juges du fond.
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