
Le droit de la distribution soulève de nombreux problèmes. La question de la portée d’une clause de non-concurrence post-contractuelle fréquemment insérée dans les contrats de distribution est à l’origine d’un contentieux important. Un litige opposait un franchiseur à l'un de ses franchisés au sujet d’une clause de non-concurrence post-contractuelle ainsi libellée « le franchisé s'engage à ne pas développer, directement ou indirectement, une activité identique ou similaire à l'activité objet du présent contrat, ou qui entre en concurrence avec cette dernière. (...). La clause de non-concurrence sera également applicable pendant une durée d'une année après la fin du contrat pour quelque cause que ce soit, et ce dans le territoire concédé, cette exigence étant indispensable pour la protection du savoir-faire ou « know-how ».
Le franchisé soutenait que la clause constituait une pratique anticoncurrentielle non exemptée par le Règlement d’exemption n°2790/1999 du 22 décembre 1999, concernant l'application de l'article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d'accords verticaux et de pratiques concertées, puisqu’elle n’était pas limitée dans l’espace « aux locaux et aux terrains à partir desquels l'acheteur a opéré pendant la durée du contrat » mais s’étendait à tout « le territoire concédé ». En contrepoint, le franchiseur faisait valoir que sous l’empire de l’ancien Règlement d’exemption n°4087/88 du 30 novembre 1988 concernant l'application de l'article 85 paragraphe 3 du traité à des catégories d'accords de franchise, l’exemption s’appliquait à l’obligation faite au franchisé « ne pas exercer, directement ou indirectement, une activité commerciale similaire dans un territoire où il concurrencerait un membre du réseau franchisé, y compris le franchiseur », obligation pouvant « être imposée au franchisé après la fin de l'accord pour une période raisonnable n'excédant pas un an, dans leterritoire où il a exploité la franchise » (art. 3).
Saisie de la difficulté, l'Audiencia Provincial de Burgos a sursis à statuer et posé à la CJUE les questions préjudicielles suivantes : « 1) Le membre de phrase « locaux et [...] terrains à partir desquels l'acheteur a opéré pendant la durée du contrat » contenu à l'article 5, sous b), du règlement n° 2790/1999 doit-il s'entendre comme se limitant au lieu ou à l'espace physique à partir duquel ont été vendus les biens ou ont été fournis les services pendant la durée du contrat, ou bien peut-il s'étendre à tout le territoire sur lequel l'acheteur a opéré pendant la durée du contrat ?
2) Dans l'hypothèse où la Cour se prononcerait en faveur de la première interprétation, les termes « locaux et [...] terrains » peuvent-ils désigner le territoire dans lequel le franchisé a opéré pendant la durée du contrat lorsque, en vertu du contrat de franchise, le franchisé se voit assigner un territoire déterminé ? ».
La CJUE donne raison à l’analyse développée par le franchisé, estimant que « l’article 5, sous b), du règlement n° 2790/1999 doit être interprété en ce sens que le membre de phrase «locaux et [...] terrains à partir desquels l’acheteur a opéré pendant la durée du contrat» vise uniquement les lieux à partir desquels les biens ou services contractuels sont offerts à la vente et non pas l’ensemble du territoire dans lequel ces biens ou services peuvent être vendus au titre d’un contrat de franchise » (§41).
La solution, bien que donnée en application du Règlement n° 2790/1999, vaut pour l'article 5 b) du Règlement n° 330/2010 aujourd'hui applicable car il en reprend la substance sur la question litigieuse.
CJUE 7 février 2013, aff. C-117/12, La Retoucherie de Manuela SL
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