
CJUE 25 octobre 2011 edate Advertising GmbH/X et Olivier Martinez et Robert Martinez/MGN Limited, aff C-509/09 et aff C-161/10).
Un personne victime d’une atteinte à la vie privée et résidant en France, victime de diffamation ou d’atteinte à la vie privée en raison de propos tenus via Internet par une autre personne physique ou morale située dans un autre Etat de l’Union Européenne peut-elle obtenir la réparation de son préjudice devant les tribunaux français ?
La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient de répondre par l’affirmative à cette question dans un important arrêt du 25 octobre 2011.
En l’espèce, le quotidien britannique Sunday Mirror a mis en ligne sur son site Internet des propos portant atteinte à la vie privée de l’acteur Olivier Martinez. Ce dernier a alors saisi le Tribunal de Grande Instance de Paris afin d’obtenir la réparation du dommage qu’il a subi en raison de la violation de ses droits de la personnalité. Le Sunday Mirror a contesté la compétence des tribunaux français en estimant qu’il n’existe aucun lien de rattachement avec la mise en ligne de l’article en Grande Bretagne et le dommage subi en France. Les magistrats français ont alors décidé de surseoir à statuer et de saisir la CJUE d’une question préjudicielle afin de l’interroger sur sa compétence au regard de l’article 5 du règlement européen du 22 décembre 2000 relatif à la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciales.
Aux termes de ce règlement le Tribunal compétent est en principe celui du lieu du domicile du défendeur, ce qui en principe devrait conduire à reconnaître une compétence exclusive aux Tribunaux anglais, le Sunday Mirror étant un quotidien britannique. Toutefois, le même règlement admet une dérogation à ce principe en matière délictuelle et quasi-délictuelle. Dans ce dernier cas une personne peut être attraite devant le Tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire. Là encore, cette dernière disposition devrait également amener à reconnaître la compétence des tribunaux britannique dans la mesure où l’on peut considérer que le fait dommageable s’est produit en Angleterre.
La Cour considère néanmoins qu’ « en cas d’atteinte alléguée aux droits de la personnalité au moyen de contenus mis en ligne sur un site internet, la personne qui s’estime lésée a la faculté de saisir d’une action en responsabilité, au titre de l’intégralité du dommage causé, soit les juridictions de l’Etat membre du lieu d’établissement de l’émetteur de ces contenus, soit les juridictions de l’Etat membre du lieu d’établissement de l’émetteur de ces contenus, soit les juridictions de l’Etat membre dans lequel se trouve le centre de ses intérêts ».
La Cour accorde également à la victime une seconde option : « cette personne peut également, en lieu et place d’une action en responsabilité au titre de l’intégralité du dommage causé, introduire son action devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel un contenu mis en ligne est accessible ou l’a été. Celles-ci sont compétentes pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l’Etat membre de la juridiction saisie ».
La CJUE a choisi de retenir une interprétation pragmatique de ces dispositions en les adaptant à Internet. En effet, Internet est un moyen de communication qui ignore les frontières. Il en résulte qu’un article portant atteinte aux droits de la personnalité n’est plus territorialement limité comme cela peut l’être avec un support papier, mais est accessible par tous les lecteurs où qu’ils se trouvent dans le monde. Cela signifie donc que l’atteinte subie est plus importante en cas de diffusion sur Internet et que cela rend beaucoup plus difficile la détermination du lieu de matérialisation du dommage. Dans ces conditions, la Cour estime que la juridiction du lieu de résidence de la victime est la mieux placée pour apprécier la gravité de l’atteinte.
Cette solution présente un avantage certain pour les victimes d’atteinte aux droits de la personnalité via Internet qui résident en France. Celles-ci pourront désormais non seulement agir saisir les tribunaux français, mais encore se prévaloir de la législation française bien plus protectrice que la législation britannique, par exemple.
A lire également :
Droit de l'internet dépôt d'une plainte contre facebook devant la CNIL
Google adwords et risque de contrefaçon
Google suggest et le droit à l'oubli : comment sauvegarder son e-reputation
Données personnelles et absence de consentement
Les risques liés aux liens hypertextes : nétiquette et framing
Peer-to-peer et droit d'auteur : la CJUE s'oppose au filtrage