
Si les progrès technologiques doivent être salués et encouragés, il n’en demeure pas moins que leurs excès doivent être sanctionnés. Tel est précisément le cas de la fonction Google suggest utilisée par le moteur de recherche du même nom. Cette fonction est destinée à aider l’internaute dans sa recherche en lui suggérant au début de sa frappe les mots entiers qui sont susceptibles de correspondre à sa demande.
A cet égard, cette prouesse technologique doit être saluée en ce qu’elle contribue à rendre encore plus aisée la navigation sur Internet. Cependant, la contrepartie d’un tel système, reposant uniquement sur un algorithme, est qu’il est incapable de faire la distinction entre une suggestion licite et une autre qui serait diffamante. Or, toutes les données d’internet étant conservées ad vitam aeternam dans la mesure où le droit à l’oubli n’a pas encore consacré par le législateur et que Google a refusé de signer la charte sur le droit à l’oubli, une personne condamnée pénalement et qui a purgé sa peine verra en permanence le souvenir de ses actes passés associés à son nom, lorsque celui-ci sera inscrit sur un moteur de recherche. Pire, cette même personne peut voir son nom à des actes qu’elle n’a jamais commis, c’est-à-dire être victime de diffamation par le moteur de recherche Google suggest.
Une affaire illustre parfaitement cette situation ainsi que les sanctions qui y sont attachés. En l’espèce, un dirigeant de société condamné pénalement pour corruption de mineure a constaté que les recherches associées de Google suggest associaient son nom au mot « satanisme », « violeur » et « prison ». Estimant que l’association de ces mots à son nom était constitutive d’une diffamation publique envers un particulier, ce dernier a assigné Google afin de le voir condamner à la suppression des contenus illicites. Par jugement en date du 8 septembre 2010, le Tribunal de Grande Instance de Paris (RG n°10/07440) a condamné Google à supprimer toutes les suggestions illicites sous une astreinte de 500 € par manquement et par jour constaté. Les premiers juges estiment tout d’abord que Google ne saurait se prévaloir du fait qu’elle est étrangère à cette situation dans la mesure où son système est fondé sur un algorithme qui associe les mots notamment en fonction de la fréquence des recherches. En effet, le Tribunal retient que les algorithmes et les solutions logicielles relèvent de l’esprit humain et qu’il existe une possibilité d’intervention humaine a posteriori pour éviter les dommages les plus évidents.
Fort de cette considération, Le Tribunal a, ensuite, jugé que les propos incriminés avaient un caractère diffamatoire en ce qu’ils font peser « sur l’intéressé une imputation directe de faits attentatoires à l’honneur ou à la considération du moins de s’être trouvé compromis dans une affaire de viol, de satanisme, d’avoir été condamné ou d’avoir fait de la prison ».
Enfin, il a estimé que les défendeurs ne peuvent se prévaloir de l’excuse de bonne foi dès lors que « les imputations diffamatoires étant, de droit, réputées faites avec intention de nuire ».
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