
L’article 6-I-2 de la loi du 21 juin 2004 relative à la confiance dans l’économie numérique pose le principe de la responsabilité limitée de l’intermédiaire technique quant aux contenus qu’il diffuse ou héberge.
Selon ce texte :
« Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible ».
La question qui se pose est alors de savoir ce qu’est un intermédiaire technique.
L’arrêt de la Cour de cassation du 17 février 2011 apporte une précision utile à ce problème.
En l’espèce, une société reprochait au site dailymotion d’avoir diffusé sans son autorisation un film. La société a donc assigné dailymotion en contrefaçon et en concurrence déloyale.
La Cour d’appel a débouté le demandeur en considérant que dailymotion est un intermédiaire technique protégé par le régime de la responsabilité de la loi du 6 juin 2004.
A l’appui de son pourvoi, la société se fonde sur une interprétation restrictive de la notion d’intermédiaire technique. Selon cette conception, le rôle de l’intermédiaire technique se rapproche de celui d’un dépositaire à qui l’on a confié la garde d’une chose. De la même manière que le rôle du dépositaire se limite à la garde de la chose, l’intermédiaire technique doit se contenter de stocker les contenus. En d’autres termes seul l'intervenant technique qui assure le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages mis à disposition du public au moyen de services de communication au public en ligne exploités par des tiers peut bénéficier du régime protecteur de la loi. Il résulte de cette conception que l’intermédiaire technique ne doit pas proposer de services à ses utilisateurs, et qu’il doit demeurer passif en s’abstenant de louer des espaces publicitaires.
Or, dailymotion propose des services à ses membres en leur permettant de contrôler l’accessibilité des contenus mis en ligne, d’utiliser un classement par rubrique ainsi qu’un moteur de recherche par mots clés, de poster des commentaires, etc…
Dailymotion se rémunère également par la location d’espaces publicitaires.
Dans ces conditions, la société victime des agissements de contrefaçon estime que dailymotion ne peut bénéficier de la qualification d’intermédiaire technique et voire sa responsabilité limitée.
Cette interprétation restrictive de la loi n’a pas été suivie par la Cour de cassation. Celle-ci considère que seule les opérations techniques telles le réencodage de ou le formatage sont des opérations techniques qui participent de l'essence du prestataire d'hébergement et qui n'induisent en rien une sélection par ce dernier des contenus mis en ligne.
En revanche, la Cour de cassation considère que la recherche d’une classification ne remet pas en cause la qualification d’intermédiaire technique lorsqu’elle est justifiée par un souci de cohérence de rationalisation et que l’utilisateur reste libre du choix du contenu qu’il entend mettre en ligne. Il en va de même s’agissant de la publicité lorsqu’elle n’induit pas une capacité d’action sur les contenus mis en ligne.
Un site de partage peut donc proposer une classification thématique ainsi que des publicités sans perdre son statut d’intermédiaire technique dès lors qu’il remplit les critères posés par la Cour de cassation.
A lire également :
Données personnelles et absence de consentement : l'arrêt de la CJUE du 24 novembre 2011
Droit de l'Internet : dépôt pour la première fois en France d'une plainte contre Facebook