
Il n’est pas rare que des parties, afin de mettre un terme à un procès ou de l’éviter, concluent une transaction qui joue le rôle d’un jugement. Selon le vieil adage, « une mauvaise transaction vaut mieux qu’un bon procès ». Cela peut s’avérer bénéfique, puisque la transaction élude la lenteur et l’éventuelle incertitude d’un procès.
Le Code civil définit la convention de transaction en son article 2044 : « la transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ». S’il n’est nullement fait référence dans cette définition à l’exigence de concessions réciproques, la Cour de cassation considère qu’il s’agit là d’un élément essentiel sans lequel il ne peut y avoir de transaction (v. par ex., Com., 22 novembre 1988 : Bull. civ. IV, n° 320 ; Soc., 3 avril 1990 : Bull. civ. V, n° 153). N’étant dès lors pas une transaction, la convention est dépourvue de l’autorité de chose jugée, et rien n’interdit alors aux parties de faire valoir leurs droits en justice.
Si le juge doit rechercher d’office s’il existe des concessions réciproques (Civ. 1ère, 9 juillet 2003 : Bull. civ. I, n° 174), il se refuse néanmoins à apprécier leur importance (Soc., 17 mars 1982 : Bull. civ. V, n° 180 ; Civ. 1ère, 6 décembre 2007 : Bull. civ. I, n° 383) sauf hypothèse dans laquelle l’une d’entre elle serait sans aucune valeur ou dérisoire (Soc., 18 mai 1999 : Bull. civ. V, n° 223).
Par un arrêt en date du 25 octobre 2011, la Chambre commerciale de la Cour de cassation entend largement l’existence de concessions réciproques. En effet, dans cette affaire, l’associé unique d’une société avait cédé ses parts à une autre société. Il a également conclu un contrat de prestation de services avec la première société et une garantie d’actif et de passif au profit de la société cessionnaire. Pour mettre fin à un différend survenu postérieurement, le cédant a consenti des concessions financières « significatives » (abandon partiel de son compte courant et d’une partie des sommes lui restant dues au titre du contrat de prestation de service) au profit de la première société et le cessionnaire renonçait à se prévaloir de la garantie d’actif et de passif. La « difficulté » venait du fait que les concessions faites par le cédant profitaient « seulement » à la société cédée et non au cessionnaire qui avait pourtant effectué des concessions. La Cour de cassation n’a pas retenu l’objection : « attendu que l’arrêt retient que les concessions (…) consenties par [le cédant] profitaient directement à la société [cédée] mais également et nécessairement à la société [cessionnaire] puisqu'elle était cessionnaire de la totalité des actions composant le capital social de la société [cédée], de sorte que la renonciation par la société (…) à la garantie d'actif et de passif consentie (…) n'était pas dénuée de contrepartie (…) ; qu'ayant ainsi caractérisé les concessions réciproques, fussent-elles indirectes, fondant la validité de la transaction, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ».
Dès lors, il n’est pas nécessaire que des concessions soient directement faites par une partie au profit d’une autre qui est l’auteur de concessions réciproques. Il importe néanmoins, pour que la transaction soit valable, que l’auteur de concessions réciproques en tire finalement avantage.
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