
Com., 18 octobre 2011, n° 10-24808, Société Endemol Productions et Société Miss France c/ Mme Geneviève de Fontenay et Association Comité Miss France
Dans cet arrêt, qui concerne un fameux concours de beauté féminine, la Cour de cassation évoque une question majeure qui concerne l’articulation entre la clause de non-concurrence insérée dans une cession de parts sociales et l’obligation légale de non-concurrence déduite de la garantie contre l’éviction du vendeur prévue par l’article 1626 du Code civil.
En l’espèce, les actionnaires de la société Miss France avaient cédé leurs parts à la société Endemol. La cession contenait une clause de non-concurrence en vertu de laquelle les cédants devaient s’abstenir d’exercer toute activité concurrente à celle de la société cessionnaire.
Cependant, quelques années après, la cédante organise une élection concurrente. Elle est alors assignée en référé afin de cesser ses agissements qui constitueraient un trouble manifestement illicite exposant les demandeurs à un dommage imminent. La défenderesse invoque alors l’illicéité de la clause de non-concurrence du fait de son absence de limitation dans l’espace.
L’argument est retenu par les juges du fond.
Dès lors, les actes reprochés ne pouvaient constituer un trouble manifestement illicite. La Cour de cassation casse l’arrêt. Selon la chambre commerciale, « en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l’organisation d’une telle élection, qui pouvait avoir pour effet d’empêcher la société Endemol de poursuivre l’activité économique de la société Miss France et de réaliser l’objet social, ne constituait pas une méconnaissance par Mme X. de la garantie légale d’éviction à laquelle elle était tenue, en sa qualité de cédante des titres de la société Miss France, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
Par où l’on voit que la nullité de la clause de non-concurrence n’autorise pas le cédant de parts sociales à concurrencer le cessionnaire. En effet, le cédant est tenu, de part les dispositions relatives à la vente et plus spécifiquement celles relatives à la garantie d’éviction du fait personnel, de s’abstenir de troubler son acquéreur. La garantie conventionnelle joue en tout état de cause et justifie une interdiction de concurrence du vendeur et ce malgré la nullité de la clause. C’est cette solution qui est réaffirmée par le présent arrêt.
On pourrait également penser que par cet arrêt la Cour de cassation apporte une précision sur une question importante, celle de savoir si les conditions de validité de la clause de non-concurrence sont alternatives ou cumulatives. Ces conditions sont les suivantes : la clause de non-concurrence, doit, sous peine de nullité être limitée quant à l’activité interdite, quant à l’espace et au temps et proportionnée aux intérêts légitimes de son créancier. On estimait traditionnellement qu’en dehors de la clause de non-concurrence stipulée dans un contrat de travail, les limitations spatiale et temporelle étaient alternatives.
En l’espèce, la clause insérée dans la cession des droits était semble-t-il limitée dans le temps mais en tout état de cause, pas dans l’espace. La Cour d’appel avait considéré qu’elle était de ce fait illicite. La Cour de cassation ne tranche pas directement cette question mais raisonne sur le terrain de la garantie d’éviction. N’a-t-elle pas dès lors considérée que la clause doit nécessairement être limitée dans le temps et dans l’espace ?
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