
Civ. 1ère, 1er décembre 2011(n° de pourvoi: 10-19090) : Sur quel fondement peut agir un passager victime d’un accident qui s’est trompé de train à l’encontre de la SNCF ?
En effet, le droit de la responsabilité n'obéit pas au même régime selon qu'il existe un contrat ou non entre l'auteur du dommage et la victime.
Plus précisèment selon que l'on se place sur le terrain de la responsabilité contractuelle ou sur celui de la responsabilité délictuelle, la victime sera plus ou moins avantagée.
La jurisprudence récente de la Cour de cassation considère que la victime d'un accident qui s'est trompé de train doit agir à l'encontre de la SNCF sur le fondement de la responsabilité délictuelle.
Si la Cour de cassation avait fait preuve à de nombreuses reprises d’une extrême sévérité envers la SNCF retenant facilement une faute lourde à son encontre l’empêchant de se prévaloir d’une clause limitative de responsabilité (Com., 16 nov. 2010, n° 09-69.823), interprétant très strictement les conditions de la force majeure exonératoire de sa responsabilité (Civ. 2ème, 11 janv. 2001 : Bull. civ. II, n° 9 ; Civ. 2ème, 21 déc. 2006 : JurisData n° 2006-036737) et l’empêchant de s’exonérer partiellement en cas de faute de la victime (Civ. 1ère, 13 mars 2008, n° 05-12.551 ; Bull. civ. 2008, I, n° 76), depuis 2011, la haute juridiction est plus indulgente à son égard.
Après avoir réactivé l’article 1150 du Code civil afin de limiter la réparation au seul dommage prévisible des voyageurs contraints de renoncer à leur voyage en raison du retard d’un train (Civ. 1ère, 28 avr. 2011, n° 10-15.056), assoupli son appréciation des conditions de la force majeure en cas d’agression d’un passager dans un wagon (Civ. 1ère, 23 juin 2011, n° 10-15.811), la première chambre civile, dans le présent arrêt rendu le 1er décembre 2011 entend limiter le domaine d’application de la responsabilité contractuelle qu’encoure le transporteur ferroviaire.
En l’espèce, un voyageur prend place dans un train. S’apercevant qu’il s’est trompé de rame, il a essayé d’en descendre alors que le signal de départ avait été donné et s’est blessé très grièvement.
La question était celle de savoir sur quel fondement le voyageur en possession d’un titre de transport non valable pour le trajet qu’il emprunte, peut agir à l’encontre du transporteur ferroviaire en réparation des dommages qu’il subit.
La Cour de cassation, au visa des articles 1147 et 1384 al. 1er du Code civil, censure l’arrêt d’appel : en statuant ainsi, « tout en constatant que l'accident n'était pas survenu dans l'exécution du contrat convenu entre les parties », la cour d'appel a violé par fausse application l'article 1147 du code civil et par refus d'application l'article 1384, alinéa 1er, du même code.
Par cet arrêt, la Première chambre civile considère que la victime ne peut se placer sur le terrain de la responsabilité contractuelle mais sur celui de la responsabilité délictuelle pour pouvoir obtenir réparation de ses dommages à l’encontre de la SNCF, et plus précisément sur le terrain de la responsabilité du fait des choses.
La solution est assez sévère envers la victime.
En effet, sur le fondement de l’article 1384 alinéa 1er du Code civil, la faute de la victime pourra lui être opposée ce qui n’aura pas été le cas sur le fondement contractuel. Et c’est cette possibilité d’exonération partielle en matière délictuelle qui était en l’espèce l’enjeu du débat sur la nature de la responsabilité du transporteur ferroviaire. Il ne fait pas de doute que la victime avait commis elle-même une faute car elle avait essayé de descendre d’un train qui avait reçu le signal du départ.
C’est dire si l’arrêt suscite l’étonnement et ce d’autant plus que, non seulement la Cour de cassation nous avait habitué à davantage de sévérité envers la SNCF mais encore avait fait preuve d’une grande bienveillance envers les victimes d’accidents corporels.
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