
Lorsqu’une personne souhaite devenir franchisé la perspective du chiffre d’affaire est un facteur important dans la prise de décision. L’examen des comptes prévisionnels va permettre au futur franchisé d’évaluer la rentabilité de son futur projet. Cependant, il ne s’agit que par définitions de prévisions qui sont par conséquent soumises à de nombreux aléas : conjoncture économique variable, talent du franchisé pour vendre, emplacement, etc…Il est néanmoins légitime de se demander si le franchisé qui a fondé son choix principalement sur les comptes prévisionnels peut demander la nullité de son contrat de franchise dès lors que les résultats de l’activité sont nettement inférieurs aux prévisions ?
Dans un arrêt récent prononcé le 4 octobre 2011, la Cour de cassation apporte une réponse positive à cette question.
La Cour de cassation censure la décision des juges du fond pour défaut de base légale, estimant que la Cour d’appel, « après avoir constaté que les résultats de l'activité du franchisé s'étaient révélés très inférieurs aux prévisions et avaient entraîné rapidement sa mise en liquidation judiciaire », aurait dû rechercher « si ces circonstances ne révélaient pas, même en l'absence de manquement du franchiseur à son obligation précontractuelle d'information, que le consentement du franchisé avait été déterminé par une erreur substantielle sur la rentabilité de l'activité entreprise, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».
Du point de vue de l'erreur sur la rentabilité, cette décision admet le principe d’une « erreur substantielle sur la rentabilité de l’entreprise ». Or par le passé, la Cour de cassation avait indiqué que « l'appréciation erronée de la rentabilité économique de l'opération n'était pas constitutive d'une erreur sur la substance de nature à vicier le consentement [d’une partie] à qui il appartenait d'apprécier la valeur économique et les obligations qu'elle souscrivait » (Civ. 3e, 31 mars 2005, B. 81).
Du point de vue des comptes prévisionnels, on sait que si le franchiseur n’est pas tenu de transmettre des comptes prévisionnels lors de la conclusion du contrat de franchise, il est tenu d’une obligation de sincérité lorsqu’il en établit (C. Grimaldi, S. Méresse, O. Zakharova-Renaud, Droit de la franchise, Litec, 2010, n°135). Or la Cour de cassation est particulièrement sévère à l’égard des comptes prévisionnels défectueux : d’une part, ils engagent la responsabilité du franchiseur, tenu pour ayant seul contribué au préjudice subi par le franchisé, et, d’autre part, ils peuvent constituer la source d’une erreur du franchisé sur la rentabilité de la franchise, ce dont témoigne la décision commentée.
On peut signaler, dans une perspective voisine, un très intéressant arrêt ayant eu à se prononcer sur un accord de coopération commerciale conclu entre des fournisseurs et un distributeur de la grande distribution (Com. 27 avril 2011, pourvoi n°10-13690, à paraître au Bulletin).
En l’espèce, les fournisseurs avaient entendu contester un accord de prestation de tête de gondole dans la mesure où celui-ci n’avait pas permis de faire augmenter les ventes de façon significative.
Ces derniers ne s’étaient pas placés sur le terrain de l’erreur, mais sur celui des pratiques restrictives de concurrence, spécialement sur celle consistant à obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu (auj. art. L. 442-6, I, 1°).
La Cour de cassation n’accueille pas la demande des fournisseurs, estimant que « si la faiblesse du chiffre d'affaires réalisé par le distributeur sur le ou les produits concernés par une action de coopération commerciale pendant la période de référence au regard de l'avantage qui lui a été consenti ou l'absence de progression significative des ventes pendant cette période de référence peuvent constituer des éléments d'appréciation de l'éventuelle disproportion manifeste entre ces deux éléments, elles ne peuvent à elles seules constituer la preuve de cette disproportion manifeste, les distributeurs qui concluent des accords de coopération commerciale n'étant pas tenus à une obligation de résultat ».
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